KDE tourne la page : Plasma 6.8 sera 100 % Wayland — et signe la fin définitive de l’ère X11

par Yohann Poiron le 27/11/2025

C’est une révolution silencieuse, mais historique. Après près de trente ans de cohabitation, KDE vient d’annoncer que Plasma 6.8 abandonnera définitivement la session X11 pour devenir entièrement Wayland-native. Une bascule qui fera date dans l’histoire du desktop Linux, comparable au passage du BIOS à l’UEFI ou à l’extinction de Flash.

KDE l’a confirmé dans un article de blog au ton assumé : le futur du bureau KDE est Wayland, point final.

Pour les utilisateurs, l’effet sera subtil. Pour l’écosystème, c’est un séisme.

X11 : après trente ans de bons et loyaux services, la retraite

X11, colonne vertébrale des environnements graphiques Unix depuis les années 1980, a façonné tout ce que nous connaissons du desktop Linux : KDE 1.0, GNOME 2, Compiz, les premières distributions modernes…

Mais, X11 était aussi devenu un poids :

  • architecture datée et ultra-permissive,
  • failles de sécurité structurelles (keylogging, espionnage inter-app),
  • tearing omniprésent,
  • gestion chaotique du multi-écran et du scaling HiDPI,
  • limitations techniques bloquant l’HDR, la VRR et bien d’autres modernités.

Wayland est né pour remplacer, pas pour patcher — et KDE l’a compris.

Plasma 6.8 : un bureau pensé pour Wayland, pas « compatible avec »

L’abandon de X11 ne signifie pas un saut dans le vide. Depuis Plasma 5, puis surtout Plasma 6.1/6,2, l’environnement s’est musclé sur tous les fronts : stabilité, performances GPU, latence, gestion des écrans, prise en charge NVIDIA, etc.

Avec Plasma 6.8, Wayland devient le seul protocole natif, X11 est géré via XWayland, pour assurer la compatibilité logicielle, et KDE accélère sa roadmap en supprimant une énorme dette technique.

Les développeurs le disent clairement : « Maintenir deux sessions doublait les tests, les bugs, les retards. En Wayland-only, nous allons beaucoup plus vite ». Un gain colossal pour un projet aussi vaste que KDE.

Pourquoi ce changement maintenant ?

Parce que tout l’écosystème pousse dans la même direction. En effet, Fedora et Ubuntu utilisent déjà Wayland par défaut depuis des années, GNOME a basculé quasi totalement, AMD et Intel proposent des pilotes Wayland impeccables, et NVIDIA, longtemps réticent, a enfin corrigé ses lacunes (explicit sync, composition fixe, latence réduite).

Comme l’a souligné Linuxiac, KDE ne fait que formaliser une transition déjà largement amorcée dans les distributions.

2027 : fin de vie pour la session X11 — mais les utilisateurs ont du temps

Pas d’inquiétude : la session X11 actuelle restera maintenue jusqu’en 2027. Elle recevra des correctifs, des patchs de sécurité, et éventuellement quelques mises à jour mineures. Ensuite, seule la voie Wayland restera ouverte.

Pour les configurations vraiment anciennes, les kiosks spécialisés, ou les logiciels exotiques ? Les distributions LTS seront le refuge naturel (AlmaLinux 9, support jusqu’en 2032 — X11 inclus).

Ce que Wayland permettra enfin dans KDE

Les bénéfices sont nombreux, mais certains sont structurants :

  • HDR natif et couleur profonde : Déjà testé dans Plasma 6.x, rendu bien plus fiable via Wayland
  • VRR (Variable Refresh Rate) maîtrisé : Un indispensable pour le gaming, impossible à implémenter proprement sous X11.
  • Meilleure sécurité isolation : Wayland interdit nativement l’espionnage inter-app. Adieu keyloggers opportunistes.
  • Performances et fluidité : Fin de l’animation bridée à 60 Hz, meilleure gestion de l’énergie, moindre latence input.
  • Multi-écran moderne : Scaling fractionnel intégré, fenêtres stables lors des reconnections, menus fixés par écran.
  • Tiling avancé & agencement des fenêtres évolutif : Les limites techniques de X11 rendaient de nombreuses idées impossibles à réaliser.

En clair : Plasma 6.8 ne sera pas juste une version de plus. C’est une renaissance architecturale.

Les inquiétudes ? Réelles, mais très minoritaires

Quelques cas possibles de friction sont attendus pour les anciens logiciels utilisant directement Xlib, des outils spécialisés (capture d’écran, kiosks, bureau à distance), ou encore de vieux pilotes propriétaires ou matériels atypiques.

Mais là encore ; XWayland couvre 99 % des usages, la plupart des outils sont déjà portés (OBS, Flameshot, PipeWire pour le screencast), et KDE propose des couches de compatibilité supplémentaires pour shortcuts globaux, scaling, input.

Pour les workloads sensibles, Waypipe et les outils de forwarding complètent le tableau.

Un signal fort envoyé à tout l’écosystème Linux

Avec KDE rejoignant GNOME dans la voie du « Wayland-only », une dynamique irréversible s’installe. XFCE, Cinnamon et les autres environnements devront tôt ou tard suivre. Wayland devient enfin le standard — pas l’alternative.

KDE n’abandonne pas X11 par caprice. Il s’affranchit d’un héritage devenu trop lourd. X11 a défini le desktop Linux pendant 30 ans, Wayland définira les 30 prochaines années.

Et, KDE vient de faire le premier pas décisif.