Stack Overflow 2025 : l’IA génère du code… mais aussi de la dette technique

par Yohann Poiron le 30/07/2025

L’adoption des outils d’intelligence artificielle continue de progresser rapidement dans le monde du développement logiciel. Pourtant, selon les résultats de l’enquête annuelle Stack Overflow Developer Survey 2025, une tendance inquiétante se dessine : les développeurs font de moins en moins confiance à l’IA, malgré son omniprésence dans les workflows.

Pire encore, ces outils généreraient une nouvelle forme de dette technique qu’il devient urgent de maîtriser.

Une confiance en chute libre malgré une adoption massive

En 2025, 84 % des développeurs utilisent ou prévoient d’utiliser des outils d’IA, contre 76 % en 2024. Mais la confiance dans la précision des réponses générées par ces outils chute à 33 %, contre 43 % en 2024 et 42 % en 2023. Quant à la perception globale, elle passe de 77 % de favorabilité en 2023 à seulement 60 % en 2025.

Cette dissonance interroge. Malgré les progrès technologiques, l’enthousiasme s’essouffle. Pour Erin Yepis, analyste senior chez Stack Overflow, cette baisse reflète une réalité terrain : « les promesses de productivité ne compensent pas les erreurs fréquentes ou subtiles que l’IA introduit dans le code ».

L’IA génère du code « presque juste »… mais source de chaos

Le problème principal cité par les développeurs ? Les solutions générées par l’IA sont souvent « presque correctes », mais pas totalement. Résultat : au lieu de gagner du temps, 66 % des répondants estiment qu’ils doivent passer trop de temps à corriger ou déboguer ces suggestions.

Contrairement à un code visiblement erroné, un résultat « presque bon » nécessite une vérification méticuleuse, créant une rupture dans le workflow. Beaucoup de développeurs déclarent qu’il serait plus rapide de coder à la main plutôt que de corriger l’IA.

 La complexité échappe encore aux outils d’IA

En 2025, seuls 29 % des développeurs interrogés estiment que l’IA est capable de traiter des problèmes complexes, contre 35 % l’an dernier. Cela montre que les outils, bien que prometteurs, restent limités à des cas simples ou répétitifs. Pour les tâches plus poussées, la compétence humaine reste irremplaçable.

De plus, le développement moderne implique l’usage simultané de plus de 6 outils pour la majorité des développeurs, ce qui accentue les frictions liées à l’intégration de l’IA.

Sécurité, gouvernance et responsabilité : un retard à combler

La course à l’IA s’est faite au détriment de la gouvernance. Peu d’entreprises ont mis en place des garde-fous pour contrôler la qualité ou la sécurité du code généré automatiquement. Pour Ben Matthews, directeur de l’ingénierie chez Stack Overflow, cela ouvre la voie au « vibe coding », où l’on privilégie la vitesse à la fiabilité, quitte à intégrer des vulnérabilités.

61,7 % des développeurs déclarent se tourner vers des humains plutôt que l’IA en cas de doutes éthiques ou sécuritaires sur le code.

L’humain reste au cœur du processus

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Malgré tout, les développeurs n’abandonnent pas les outils d’IA. Ils adaptent leur usage. 69 % d’entre eux ont appris de nouvelles technologies en 2025, dont 44 % via des outils IA. Mais la communauté humaine reste centrale : Stack Overflow est consulté par 89 % des développeurs plusieurs fois par mois, et 35 % d’entre eux s’y rendent spécifiquement après avoir eu un problème avec une réponse IA.

L’étude met en lumière plusieurs axes d’amélioration pour les entreprises qui souhaitent intégrer l’IA dans leurs processus de développement :

  1. Renforcer les outils de relecture et de débogage : Les outils classiques ne suffisent pas toujours à identifier les erreurs subtiles de l’IA. Il faut des processus spécifiques pour auditer ce type de code.
  2. Maintenir l’expertise humaine : L’IA ne remplace pas les développeurs expérimentés. Ce sont eux qui rattrapent les erreurs, identifient les failles, assurent la qualité. Investir dans la formation reste fondamental.
  3. Adopter l’IA par étapes : Plutôt qu’un remplacement global, une intégration progressive permet d’optimiser l’usage sans introduire de dettes techniques massives.
  4. Former à l’usage de l’IA : L’étude montre que les utilisateurs quotidiens de l’IA sont plus satisfaits (88 %) que les utilisateurs occasionnels (64 %). L’accompagnement et la formation font donc la différence.

L’IA ne remplace pas la vigilance

L’IA générative dans le développement n’est pas une baguette magique. Elle doit être vue comme un outil complémentaire, dont les limites doivent être comprises, encadrées et corrigées.

Les entreprises qui sauront transformer les suggestions « presque bonnes » en code fiable, via une stratégie humaine, technique et éthique, bénéficieront d’un avantage compétitif certain. Mais ignorer ces signaux d’alerte reviendrait à transformer un gain de productivité en dette technique… et potentiellement en dette sécuritaire.